Mars 2025

48 heures…  48 heures de grâce… 48 heures pour prendre un grand bol d’air, de nature, d’amitié, d’humanité, de jubilations.. Comme quelque chose qui pétille dans le corps, dans le cœur.. des endroits qui s’éclaircissent, qui se clarifient..

Ça a commencé, il y a quelques semaines par la proposition d’une amie qui vient d’emménager en Bretagne et qui me dit « Viens donc passer un week-end à la maison, ça te fera du bien ».. Oui, en ce moment, encore plus que d’habitude, j’ai besoin de prendre soin de moi.. j’en ai besoin, mais suis plutôt dans une période de « Laissez moi tranquille, je suis bien dans ma tanière »… un jour, je pense « blanc » un jour, je pense « noir », un jour, j ai envie, le lendemain, je n’en ai plus envie… ça mouline grave dans ma tête, ça passe par des hauts, par des bas, il y a comme quelque chose de coincé dans un sas de brouillard.. oui, on peut dire clairement que c est un gros merdier là, entre l’oreille gauche et l’oreille droite..

Mais pour cette proposition de week-end, je sais que je ne prends aucun risque. Je ne m’engage à rien, je suis libre, je sais qu’on part vendredi et que je rentre dimanche. C’est clair, c’est cadré, mon insécurité intérieure est apaisée.

Cette amie a la même énergie que moi, les mêmes valeurs, les mêmes centres d’intérêt, je sais que ce sera simple, sans chichi, mais je devine aussi qu’il y aura des partages de femme à femme, on rentrera dans la profondeur de l’humain, de celle qui fait questionner les incohérences de l’inconscient… pas d’enjeu particulier, pas d’attente de réponses, de conseils… surtout pas… juste une écoute attentive, un partage de ce qui se passe pour nous en ce moment,  et c’est ce que j’aime et recherche avant tout chez mes amis.

Je ne connais pas la région, j’ai envie de m’extraire de mon quotidien, de me changer les idées.. On fera la route ensemble en voiture à l’aller et je rentrerai en train..

Vendredi 11 h 30, c est parti pour 6 h de route.. Ça papote, ça papote, ça rit, ça pleure.. De l’humain, je vous dis, avec sa vulnérabilité, sa pudeur, son histoire, ses blessures, son rythme, ses peurs, ses doutes.

Le séjour est court, on veut en profiter à max ! On décide ensemble, le samedi matin, de profiter du temps clément pour aller se balader. Port de Saint Goustan, de Ste Anne d’Auray, elle a à cœur de partager les pépites qu’elle a découvertes et je kiffe 🥰

Ce que j ai le plus aimé ? Un lieu un peu spécial, un endroit paisible et verdoyant, avec vue sur la rivière d’Auray. Au pied des arbres plantés au fil des ans, « les Jardins de mémoire », site cinéraire privé, accueillent les cendres d’un millier de défunts. https://www.ouest-france.fr/bretagne/auray-56400/au-bono-un-jardin-de-memoire-unique-en-france-2950762

La mort m’est familière et n’est pas un sujet tabou. Il règne dans ce lieu une atmosphère de tranquillité, comme quelque chose de léger, mais aussi de joyeux. C’est dans un endroit comme ça que j’aimerais que mes cendres soient déposées, au moment où mon séjour sur terre sera terminé. Un lieu en pleine nature, près d’une rivière, un lieu où on peut se recueillir mais aussi pique-niquer, un lieu de VIE.

Retour dimanche matin, France me dépose à la gare de Vannes.. je fais un tour à Relay et tombe sur un livre de poche de Baptiste Beaulieu que je suis sur Instagram, j’aime beaucoup sa plume et l’humanité qui se dégage de ses posts…

En attendant sur le quai de la gare, je replonge direct en Inde.. je ne sais pas pourquoi, je recontacte immédiatement la sensation éprouvée en Inde.. j aime les trains, la sensation de partir à la découverte, j’aime les voyages.. Cette année, mon engagement dans Monalisa ne me permet pas de partir en dehors de la période juillet-août.. les finances sont (très) limitées, alors c’est décidé, je vais m’organiser un voyage d’une semaine ou dix jours en train (ou bus) pour aller visiter un pays d Europe.. j’aime la lenteur des trains, l’atmosphère qui y règne. J’aime observer les gens, voir défiler les paysages comme on voit défiler sa vie, les années passer..

L’idée précise de ce projet me réjouit, comme quelque chose qui s’ouvre en moi, comme une bouffée d’air frais iodée que l’on respire en ouvrant une fenêtre.. c est clair : j aime les voyages, j aime les voyages en train : au moins quelque chose de clair dans ma tête. Où qu’en soit ma vie, cet été, je vais m’organiser un voyage en train, seule.

Puis je me mets à lire les premières pages d « D’où vont les larmes quand elles sèchent » .. J’ai un rapport étrange à la lecture, je me demande si l’énergie de l’auteur ne se transmet pas dans son écriture. Il y a certains livres qui m’accrochent direct, d’autres que j’abandonne au bout de 10 pages. Peut-être s’agit il de moment aussi.. peut-être y a-t-il un moment où ce qu’on lit vient immédiatement résonner en nous.. alors que la même phrase lue à un autre moment passe sans qu’elle émette en nous la moindre vibration (cela fait partie de la montagne de questions qui traversent ma tête et pour lesquelles je n’ai pas de réponse). Eh bien ce livre de Baptiste Beaulieu – comme « La Rencontre » de Charles Pépin il y a 2 ans ou « Fort comme un hypersensible » de Maurice Barthélémy il y a 3 ans – fait vibrer quelque chose que je n’ai pas encore défini en moi. Un mélange entre « Mais oui, mais c’est bien sûr ! C’est évident, c’est ça que je ressens, je ne suis pas anormale alors, d’autres humains fonctionnent comme moi 🤪» et « Wahou ce que dit ce gars est hyper touchant, j’adorerais le rencontrer ».

« Où vont les larmes quand elles sèchent » c’est à la fois hyper drôle et hyper touchant. On vacille entre les rires et les larmes. Pas de pathos, pas de phrases alambiquées, le gars met ses tripes sur la table sans chichi. Il écrit comme s’il parlait à son meilleur ami, enfin plutôt sa meilleure amie parce que visiblement il a un petit problème avec les hommes.. Il parle de lui. Et c’est ce que j’aime écouter plus que tout : la façon dont chacun se débrouille avec ses émotions. Les dicibles : la joie, l’envie, le pétillement, la fierté, la confiance, le courage, l’assurance, mais aussi  et même surtout celles que l’on perçoit, qui s’échappent entre deux mots, qui se répriment par pudeur, auto-jugement : la colère, la tristesse, la jalousie, la honte, la terreur, l’inquiétude, le dégoût tout ce qui nous bloque, nous empêche, nous freine…

Quelques extraits de « Où vont les larmes quand elles sèchent »

Vous vous souvenez de la maxime de Nietzsche : «Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. ». Oui, peut-être. Tant mieux. Pour certains, ça doit marcher. Mais pour les personnes que ça a rendu plus fragiles ? Plus sensibles ? Plus chancelantes ? Parfois, ce qui a été fait n’est peut être défait, c’est comme ça. Ce qui ne nous tue pas nous brise en 1000 morceaux. Alors oui, c’est joli, la mosaïque, mais c’est long à assembler.

 Parce qu’on est toujours à deux doigts d’un moment de pure chaleur humaine, une rencontre : deux êtres humains comme deux trajectoires, lancées depuis leur naissance dans le vide de l’espace qui, d’un seul coup, se croisent et traînent au milieu d’une obscurité infini. Parfois, il se passe quelque chose de beau ici-bas. Pas souvent, pas longtemps, mais ce n’est pas une raison pour ne pas en parler. Je me souviens de moments comme ça. À se reconnaître dans les intranquillités de l’autre. Briser le dialogue angoissé qu’on entretient avec soi-même. Rire avec l’autre de nos communes fragilités. Les questions sont moins lourdes à porter quand elles sont partagées, et sortent plus facilement quand la mort plane au-dessus des bols de chips.

 « Je vous préviens, j’ai les mains froides », je leur dis parfois. C’est important. Je ne les prends pas en traître. J’ai leur bien-être à cœur, ça compense en chaleur humaine les espèces de bâtonnets glacés qui me servent des doigts. « C’est pas grave, Docteur. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et, comme je vis seule, et que mes enfants ne viennent jamais me voir, ça m’a fait du bien d’être touchée par quelqu’un », me dit cette belle vieille dame tirée à quatre épingles. Juste une phrase qui me déchire le cœur. Son cadeau d’anniversaire, c’était ça : voir dans mes yeux, qu’elle était toujours vivante et qu’elle était digne d’être touchée, écoutée, regardée. Et quand je sors de mon bureau, je dis «C’est l’anniversaire de cette patiente, on ne va pas lui chanter « Joyeux anniversaire » mais on peut le lui souhaiter tout de même. » Les patients ont joué le jeu. C’était simple et doux. Elle a eu les larmes aux yeux. C’était quelque chose quand même. Il y a des tas de gens, ils ne demandent pas grand-chose pour être à peu près heureux.

 « Pleurer devant quelqu’un, c’est comme un cadeau qu’on lui fait »

Si l’envie de le lire vous prend, ne l’achetez pas, je le prête (voire donne) volontiers..